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"Il dit qu'il est sur le bord de la fenêtre. Il le dit. Il ne s'y trouve pas. Il est au milieu de la maison, le plus loin possible de l'extérieur. La pièce donne sur une autre pièce, fermée. Il compte. Les passages successifs d'une pièce à l'autre, obligatoires. Longtemps, il lui racontera, à elle, ce qu'il voit par la fenêtre. Un kiosque à journaux. Ce sera vrai. Il aura deviné ce qui se trouve dehors. Ce qui se trouve partout."
(Marguerite Duras, Hors les murs)
Ce passage est hors concours - en particulier, l'exactitude et l'unicité de la bonne suite ne sont pas garanties.
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No | Proposition | Auteur | ||
1 | Je me suis assise avec lui. Il m'a souri. Je lui ai tendu la main. Nous nous sommes épousés, à même le sol. Il m'enveloppe dans ses bras nus. Je m'endors sur le carrelage froid. Je parviens enfin à discerner la nuit au travers des parois. Il soupire. Je sens le sol se dérober. Nous décollons. | Adrien Spiralo | ordo poney | |
2 | Les volets sont fermés. Il parle. Il dit qu'il est dans la maison. Qu'il est là depuis longtemps. Elle ne dit rien. Les volets empêchent de voir par la fenêtre. Les cris des martinets dans l'air du soir stridents. Il devine ce qui est dehors. Ce qui est dedans. | portokali | Kro naja | |
3 | Mais il refuse de comprendre la marche du monde. Il ne fait aucun lien entre les éléments. Il sait encore moins exprimer des besoins, des désirs. Il n'a aucun sentiment. Sauf la peur. Il respire, il mange, il boit. Il n'aime ni ne déteste rien ni personne. Il a peur, mais il ne sait pas de quoi. Il n'est calme que quand il dort. | poney | ||
4 | Il saura qu'on ne sait jamais la seconde précise où les choses commencent de commencer. Ce sera sûrement autour de tous ces oiseaux noirs dans la fenêtre. L’idée atroce de solitude dans leurs chasses rapides. Et aussi son impossibilité à ce que les êtres soient autre chose que ce profond brouillard de givre dans lequel il écarte les paumes en pleurant. | ordo | Kro naja | |
5 | Dans toutes les rues, des kiosques à journaux. Dans les impasses aussi, fermés. Illisibles. Édifices raturés, mis entre parenthèses, en apposition dans la phrase. Il s'en moquera. Il ne voudra pas savoir ce qui se passe dans le monde. Il voudra des nouvelles des autres pièces. Rien de plus. Pour lui dire, à elle, ce qui se passerait dehors. Ce qui aurait pu se passer dehors. Peut-être. | Vrai | ordo poney |
Proposé par Stéliade
Source: Folio, n°3443, pp.21/22, © Ed. Gallimard 1989, pour la traduction en clair
Publié le 4 juillet 2005
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Stéliade | 25 juin 2005, 15:08:11 |
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Désolé pour le gros canular, mais ça faisait trop longtemps que j'avais envie de mettre un faux passage de roman et Marguerite était tentante. Forcément. Pardon aux joueurs, j'espère que vous vous êtes bien amusés quand même et j'autorise très volontiers Fabrice à vous donner à chacun un de mes points. |
ordo | 2 juillet 2005, 00:02:27 |
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bon eh bien je suis restée longtemps très longtemps avant de pouvoir choisir, ouh la c'était dur |
Stéliade | 1er juillet 2005, 15:31:59 |
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Dites donc, mon faux passage vous a vraiment inspirés... quel niveau excellent sur ce tour ! Chapeau ! |
Stéliade | 4 juillet 2005, 19:55:25 |
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Fabrice va arriver avec une potence en gruyère, un coucou qui rend fou ou un chaudron de fondue boulllante et je vais y passer, au fond du lac avec des poids attachés aux pieds, adieu, je vous aimais beaucoup :-) |
Migou | 5 juillet 2005, 05:58:47 |
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hi hi, on reconnaît bien le style de Marguerite Duras (enfin, perso, je n'ai lu que l'amant) Tiens,un autre auteur qui a un style particulier, c'est Malraux, mais je n'ai pas de livre sous la main. Si quelqu'un a un passage de lui avait proposer, j'aimerais bien. (par exemple, un passage de la voie royale où il serait question d'insectes invisibles.) |
picrocole | 5 juillet 2005, 23:05:13 |
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Petite anecdote : une de mes profs de français qui détestait l'amie Marguerite nous a, un jour, lu un passage d'une de ses oeuvres de la façon suivante : "Il dit qu'il est sur le bord de la fenêtre. POINT. Il le dit. POINT. Il ne s'y trouve pas. POINT. Il est au milieu de la maison, le plus loin possible de l'extérieur. POINT. " Ajouter à cela le fait que le passage qu'elle nous lisait nous parlait du diner du héros et du fait qu'il aimait les pâtes... et vous saurez pourquoi je n'ai jamais eu le courage ni l'envie de lire un Duras. Il faudra que je me fasse ma propre idée; un jour. |
Migou | 7 juillet 2005, 01:12:13 |
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Ben, disons qu'en remplacant les points par des virgules, c'est pas mal. |
Stéliade | 7 juillet 2005, 01:29:42 |
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À l'époque "tendance" et "phénomène de mode" de Duras, j'étais bien jeune et ça a été ma chance. Je n'ai pas abordé Duras par son article inénarrable dans Libé sur Christine Villemin, mais un peu plus tard, par Pivot et par Mitterrand (quoi qu'on pense de Tonton par ailleurs, comme conseiller littéraire, je préfère lui au grand chibre ambulant qui lui a suiccédé). J'étais donc prêt à ricaner avec Karl Zéro et comagnie, qui se gaussaient d'elle à l'époque et à entarter les pompeux cornichons dans la pure tradition du Gloupier, mais je me suis laissé prendre à la petite musique et à ce quelquje chose, cette petite rivière qui courait dans les romans de Marguerite. Peut-être parce qu'elle se trouve aux antipodes de moi, dans une écriture très "pensée" et qu'on est attiré, enfin au moins intrigué, par ses contraires, je ne sais pas. Mais pas moyen de lâcher "Modreato Cantabile", car au moment même où j'étais en train de me dire qu'elle me caguait grave, que je détestais ce genre de non-histoires, et que je n'en avais rien à battre de ses conneries; je gardais le livre en main parce qu'il me nourrissait quelque part dans la profondeur. Il faudrait dresser une cartographie des étranges pipe-lines qui transportent des substances entre un livre et son lecteur. |
Fabrice | 7 juillet 2005, 12:22:36 |
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Merci Stéliade, ce canular est un des meilleurs tours du jeu du roman ! Bien sûr, je vais "annuler le tour", mais j'ai de plus en plus envie d'introduire une coche "pour rire" au formulaire de création d'un passage (ou d'un mot, d'une colle). |
Fabrice | 11 juillet 2005, 11:18:29 |
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C'est maintenant chose faite :-) Adrien, je suis très impressionné maintenant que je connais ta date de naissance. J'ai rarement vu quelqu'un écrire aussi bien à 16 ans ; je t'en donnais au moins 10 de plus ! |
portokali | 11 juillet 2005, 16:47:41 |
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Stéliade : J'aime bien tes "étranges pipe-lines"... En tout cas bravo, superbe pastiche de MD ! |